Nous avons voulu profiter d’un court séjour au cœur du Perche ornais pour visiter un de nos producteurs : Xavier Boullier qui régale les amateurs de pains de notre AMAP  avec ses savoureux pains nature, multigraines, aux figues, aux noix, aux raisins, en boules ou moulés …

Nous avons eu le grand privilège et plus encore le plaisir d’être accueillies en ces derniers jours d’août par Xavier qui est à la fois cultivateur, meunier et boulanger.

Le jeudi 30 août, nous l’avons rejoint dans son fournil de Clémencé, un petit hameau de Saint Cyr la Rosière, à deux pas de l’Écomusée du Perche.

Après nous avoir fait découvrir le fournil « au repos » entre deux jours de boulange, il nous a emmenées dans la ferme à l’autre bout du village dans laquelle il a installé son moulin.

Nous sommes revenues le vendredi 31 août au fournil pour assister à la préparation et à la cuisson des pains.

 

LES MATIÈRES PREMIÈRES

Xavier produit ses blés lui-même.

Sur les 14 hectares cultivés, en rotation de cultures, cela revient à environ 3,5 hectares de blé par an. Soit une production annuelle moyenne entre 8 et 9 tonnes. 

le seigle                                                                                                       

 

 

    le seigle

 

 

 

 

Au début, il a planté 3 blés « modernes » avec des semences achetées dans une coopérative bio. Puis, après 2 saisons, Xavier a choisi de planter également, pour moitié environ, des blés anciens, en particulier du rouge de Bordeaux *.

Son apparence peut varier suivant les terroirs. C’est une variété très ancienne qui découle de la variété dite blé de Noë *.

Le mélange lui fournit une farine d’excellente qualité panifiable qui n’a besoin d’aucun apport supplémentaire.

Depuis peu, il a commencé à planter une petite parcelle d’un « mélange de Redon » constitué de 10 à 15 variétés de blés mélangés. Depuis trois ans, en re-semant ses grains, il multiplie ses quantités. Ces grains entreront bientôt dans le méteil * qu’il utilise.

Il parait que le Blé de Redon a une saveur douce de miel avec une note épicée rappelant le pain d’épices… cela stimule notre impatience d’y goûter !

Il sème ses blés « anciens », qui sont des variétés de haute taille, en mélange avec de la féverole * qui servira de tuteur aux tiges de blé sujettes à verser *. Grâce au tri qui se fait en amont du moulin, les graines de féveroles  (beaucoup plus grosses que les grains de blés) seront destinées à de l’alimentation animale.

Xavier possède des noyers, même si cela représente du travail supplémentaire, il produit  les noix de son pain éponyme.

Par contre il approvisionne les graines de lin, de tournesol ainsi que les raisins et figues auprès de producteurs bio français (plus ou moins locaux).

Cette année, Xavier a produit du seigle et à partir de cet automne il nous proposera son nouveau « pain de seigle » composé à 70% seigle + 30% farine de son mélange de blés.

Pour faire le pain, il faut aussi de l’eau… celle du hameau est juste filtrée par osmose, et aussi du sel : du sel de Guérande.

 

 

LA PRÉPARATION DE LA FARINE

Chaque semaine, Xavier prépare sa farine, à mesure de ses besoins, dans son moulin installé dans une ferme proche du village.

Il a pu acquérir ce moulin grâce à une part de financement européen .

Il s’agit d’un moulin de type Astrié *, fabriqué artisanalement par la SCOP Aster à Muzillac non loin de Vannes.

Le cœur du moulin est constitué de deux meules, en dessous la meule dormante * (rectangulaire sur la photo) et la meule volante * (celle qui tourne) au-dessus, toutes deux striées pour réaliser la mouture.

Au-dessus des meules, une trémie d’alimentation dans laquelle on verse les grains, puis une goulotte d’amenée des grains au cœur de la meule supérieure… entre les deux un système de réglage qui permet d’ajuster la finesse de la mouture.

Les meules d’un diamètre de 50 cm sont taillées dans un granit du Tarn, plus précisément du Sidobre.

 

 La mouture se fait en un seul passage, de ce fait, la farine n’est ni chauffée, ni oxydée.

À la sortie des meules, le mélange farine et son est brassé dans la partie blutage *… la farine va tomber au travers du fin maillage du tamis, tandis que le son est expulsé vers l’avant. La farine est récupérée sous les tamis dans une longue goulotte, et emportée par une vis sans fin puis va chuter dans les sacs.

La farine issue de ce type de moulin de type Astrié * a l’avantage d’être composée de l’intégralité de la graine de blé. Le système de mouture permet de dérouler, de poncer finement la farine, de sorte qu’on y retrouve le germe de la graine et toute son amande. La seule chose qui sera extraite sera l’enveloppe du grain de blé, c’est à dire le son. La conservation du germe fait que toutes les qualités nutritives et nutritionnelles de la céréale sont conservées. Cette farine est plus digeste et nutritive, le goût plus subtil, plus fin.

Une belle farine dont on sent une vraie texture riche et dense, pas du tout comme une poussière sèche. Une farine qui laisse une sensation un peu grasse au toucher.

 

 

LE TRAVAIL DU BOULANGER

C’est la plus grosse part de son travail (la culture représente environ 18% du temps global, réparti inégalement suivant les saisons ; puis il y a le temps au moulin).

Xavier boulange deux fois par semaine : le mercredi pour fournir les deux AMAP chartraines livrées le jeudi, ainsi que le marché de Bellême du jeudi matin et le vendredi pour fournir l’AMAP de Bellême et les commandes du voisinage.

Xavier produit tous ses pains avec du levain *. Le levain permet d’obtenir un pain avec de meilleurs arômes et une qualité de garde supérieure. La levure de boulanger est un champignon unique, tandis qu’un levain est composé de toute une palette de microorganismes. Il utilise la même souche de levain depuis 8 ans qu’il rafraichit * à chaque fournée. Il ne pèse pas précisément sa farine, son levain et l’eau qu’il ajoute. Il travaille au ressenti, au toucher. Plus on ajoute d’eau, meilleur seront la fermentation et le pain, mais cela génère aussi une pâte plus difficile à travailler, qui colle… il faut trouver chaque fois le bon équilibre. Les conditions de température, d’humidité… contribuent à tout faire fluctuer. Un vrai travail d’artisan artiste !


    Le levain

Une journée de boulange commence au petit matin (vers 5 heures) et dure une bonne dizaine d’heures.


    Un superbe pâton

Le matin, il pétrit son pain à la main (il a choisi de ne pas utiliser de pétrin mécanique), après la « pousse » il la divise en pâtons qu’il forme en boules (admirez le mouvement sur la vidéo) qui vont alors lever une seconde fois, soit dans des corbeilles toilées soit dans leurs moules métalliques préalablement légèrement huilés.


                                                ⇒  VOIR LA VIDÉO SUR LA PRÉPARATION DES PÂTONS

 

 

Enfin ce sera le passage au four. Xavier réalise, dans la seconde moitié de la journée, deux fournées successives

 

 

LA CUISSON

Xavier cuit les pains boules dans le four traditionnel en pierre calcaire construit de longue date au sein d’une maison traditionnelle percheronne qu’il loue à une amie.

Les pains moulés, sont cuits dans un four plus récent, de type Soupart à coque métallique et soles en briques réfractaires à deux plateaux pivotant pour faciliter l’enfournement.


    Dans le four Soupart

Les deux fours sont chauffés exclusivement au bois, avec des bûches longues et fines pour produire surtout des flammes qui vont bien chauffer les parois des fours.

Pour atteindre la température adéquate, les fours doivent être mis en chauffe au moins trois heures avant cuisson et un peu plus pour les cuissons du mercredi (puisque les fours n’ont pas chauffé depuis le vendredi précédent).

La cuisson des pains proprement dite, dure environ 30 minutes, avec un petit retour rapide dans le four après démoulage pour les pains moulés ou pour les plus grosses boules… Xavier détermine le besoin de poursuivre ou non la cuisson quelques minutes supplémentaires en frappant le pain par-dessous… C’est donc non seulement sur son aspect mais aussi sur le son qu’il « rend » qu’il estime le degré de cuisson de son pain.

Tous sens en éveil chez un bon boulanger !

                                                                    À l'oreille est-il assez cuit ?

 

                                                         ⇒  VOIR LA VIDÉO SUR LA CUISSON DES PAINS

 

 

UN PEU DE VOCABULAIRE

  • Le blé de Noé, ou blé de l’isle de Noé, est une variété de blé d’origine ukrainienne, cultivée dans le sud-ouest de la France avant d’être introduit en Beauce dans les années 1830.
  • Blé Rouge de Bordeaux : c’est une ancienne plante à paille très haute à grain d’excellente qualité boulangère. Le blé de Bordeaux est aussi appelé blé rouge inversable, blé turc, blé rouge de Lectoure, bladette de Lesparre, blé de Noé rouge.
  • Le blutage, c’est la séparation du son et de la farine.
  • La bluterie, c’est la zone où la mouture des grains est « blutée », c’est-à-dire passée au travers d’un tamis pour séparer la farine du son.
  • Les féveroles (d’après la nouvelle orthographe), ou féverolles, sont des plantes annuelles de l’espèce Vicia faba. Ce sont des légumineuses de la famille des Fabaceae. Il s’agit de la même espèce que la fève. Elle sert à l’alimentation animale des ruminants, des porcs et des volailles.
  • Le levain panaire est un mélange obtenu par une culture symbiotique de bactéries lactiques (lactobacille) et de levures se développant dans un mélange de farine complète et d’eau. La pâte obtenue sert à la fabrication du pain au levain, auquel il confère son goût spécifique par rapport au pain monté sur levure. L’acidité particulière que le pain au levain peut présenter est, en effet, due à l’acide lactique et à l’acide acétique produits par les bactéries lactiques (lactofermentation). Cette acidité peut être plus ou moins prononcée selon le mode d’obtention et d’entretien du levain.
  • Le méteil est un mélange de céréales. Pour l’alimentation humaine, il s’agit traditionnellement d’un mélange de blé et seigle.
  • Une meule volante : c’est la pierre de meule qui tourne, celle du dessus.
  • Une meule dormante : c’est la pierre de meule fixe, celle du dessous.
  • Qu’est-ce qu’un moulin à meules de pierre Astrié ? C’est un système inventé par Pierre et André Astrié qui permet un réglage micrométrique de l’écart entre les meules.
  • Qu’est-ce qu’un blé qui « verse » ? En agriculture, la verse est un accident de végétation touchant certaines cultures, principalement les céréales, mais aussi les légumineuses, le colza, le tournesol qui se trouvent couchées au sol, ce qui entraîne le plus souvent une baisse importante du rendement, voire la perte de la récolte. La verse est le plus souvent due à des intempéries (forte pluie, vent violent, etc.).

 

QUELQUES CHIFFRES

  • Il faut 100 kgs de blé pour obtenir environ 75 à 80 kgs de farine
  • Avec 40 kgs de farine + 5 kgs de levain, Xavier produis environ 60 kgs de pain.
  • Lors de la journée de boulange du mercredi, il prépare environ 45 à 50 kgs de pains pour les deux AMAP de Chartres, et 40 à 60 kgs pour Bellême.
  • Ce vendredi 31 août Xavier a pétri, façonné, grigné et cuit plus de 80 kgs de pains… chapeau !

 

Un seul et immense regret, ne pas pouvoir vous transmettre les fabuleuses odeurs : le parfum du levain si vivant, des pâtons qui lèvent, du feu sur la pierre, … du pain qui sort du four !

 

Un très grand merci à Xavier pour ces moments intenses et chaleureux (et pas seulement à cause de la température dans le fournil au moment des cuissons) !

 Françoise et Mary